Détails de l’ouvrage
Editions Les Editions de Paris Max Chaleil
Publication 2015
Catégories Biographies, Le violoncelle
Une vie pour la musique
Suggia (1885-1950) est entrée dans l’histoire comme compagne de Pablo Casals et pionnière du violoncelle. Compagne de Casals car ils vivent ensemble à Paris aux sommets de leurs carrières de 1906 à 1913. Pionnière du violoncelle car elle fut la première à le jouer en professionnelle.
Sur scène à 5 ans, violoncelle solo de l’orchestre de Porto à 15 ans, soliste au Gewandhaus de Leipzig à 18 ans, elle partage de 21 à 28 ans la vie de Pablo Casals. A leur rupture en 1913, elle triomphe en Angleterre et au Portugal avec l’appui de personnalités dont elle gagne l’affection et parfois un peu plus : le patron de presse Edward Hudson, l’écrivain Lytton Strachey, la compositrice Ethel Smith, le peintre des stars Augustus John…
Sa vie illustre la lente féminisation des professions musicales et les révolutions de la pratique (de la lutherie, de l’enregistrement, de l’enseignement, du répertoire…) depuis les années 1880.
Une personnalité exceptionnelle, humaine et musicale
Etrange destin que celui de Suggia. Née dans un pays de tradition catholique, où la musique est une affaire d’hommes, elle va imposer le violoncelle entre les mains d’une femme dans une Europe d’abord scandalisée… et séduite peu à peu par son charme, sa technique, sa musicalité.
Les biographes de Casals escamotent l’épisode essentiel de son idylle pendant sept ans avec une jeune artiste portugaise qui allait devenir la première femme violoncelliste. La biographie de Suggia répare cet « oubli » et révèle une personnalité exceptionnelle de l’histoire de la musique en s’appuyant notamment sur une centaine de lettres inédites, exhumées d’un fonds hollandais.
Première biographie en français. Première biographie d’une violoncelliste dans l’édition française.
Extrait
Espinho
« Je nous revois ce matin-là, un matin de l’été 1898, dans notre petite cuisine inondée de lumière. Je m’escrime sur mes cordes en rêvant de jeux sur la plage quand, derrière le journal, s’élève la voix grondeuse de mon papa-professeur, Augusto Suggia : la station balnéaire d’Espinho, la plus proche de Porto, « s’honore » de la présence en ses murs d’un violoncelliste catalan qui « révolutionne » la technique et « subjugue » son public. J’entends encore ces mots, un demi-siècle plus tard. Je me souviens de la lueur gourmande dans le regard de papa, de sa main abattant brusquement le Diario de Noticias, des TROIS MINUTES qu’il me donne pour m’habiller. De mon sentiment que cette journée ne sera pas comme les autres… »
Suggia a joué un demi puis un trois-quarts lors de sa première formation au Portugal, ensuite un instrument allemand dont la trace est perdue. Au démarrage de sa carrière en Angleterre, elle acquit deux instruments historiques, un montagnana et un stradivarius, qui portent désormais son nom et font partie de sa légende, et au moins deux instruments plus récents, un lockey-hill et un william-foster.
Le stradivarius
Le stradivarius « Suggia » de 1717, joué au 19ème siècle par les violoncellistes Hancock et Bonamy Dobree, fut vendu avec deux archets pour fonder un prix Suggia géré par la Royal Academy of Music-RAM de Londres. Propriété de la fondation suisse Habisreutinger, il est joué depuis 1999 par la violoncelliste suisse Maja Weber du quatuor Stradivari et du duo Leonore.
Le montagnana
Le montagnana « Suggia » de 1739 ou 1740 fut mis aux enchères à la mort de Suggia pour alimenter un fond attaché au Conservatoire de Porto. Propriété de la Ville de Porto, capitale européenne de la culture en 2001, il fut joué en concert à cette occasion et à nouveau en 2008 par Bruno Borralhinho pour un enregistrement des Suites pour violoncelle seul de Bach. Il est immortalisé par sa présence sur le portrait mythique de Suggia par le peintre des stars, Augustus John.
Le lockey-hill
Le lockey-hill de 1800 environ, propriété du Conservatoire national de Lisbonne, est conservé au Musée de la Musique (Museu da Música) et est joué quelquefois dans l’auditorium de la maison.
Cadeau de Suggia…
Suggia a créé divers prix qui prolongent son action en faveur du violoncelle : la vente de son stradivarius alimente un enseignement géré par la Royal Academy of Music de Londres, celle du montagnana un fond attaché au conservatoire de Porto.
Enfin, le Suggia Gift assiste des débutants tentés par une carrière soliste. Géré initialement par l’Arts Council of Great Britain, il fut transféré ensuite au Musicians’ Benevolent Fund, la fondation qui organisa le concert de reprise de Suggia en 1946, l’une des plus prestigieuses du monde dans le domaine artistique. Parmi les lauréats : Rohan de Saram, Jacqueline du Pré, Hafliöi Hallgrimsson, Steven Isserlis, Robert Cohen, Raphael Wallfisch, Julian Lloyd Webber, Reinous Ford, Guy Johnson, Bartholomew LaFollette…
Quelques dates d’entrées dans le répertoire de Suggia
- 1905 : le concerto d’Albert
- 1908 : le concerto pour deux violoncelles de Moor et le concerto de Dvorák
- 1914 : la sonate n°1 de Brahms et les trios avec piano de Beethoven
- 1915 : le double concerto pour violon et violoncelle de Brahms, la suite n°3 pour violoncelle seul de J.S. Bach
- 1916 : les variations symphoniques de Boëllmann
- 1917 : le concerto de Schumann et le concerto n°2 en ré majeur de Haydn
- 1920 : le concerto de Lalo, la sonate n°2 en fa de Brahms
- 1922 : le concerto d’Elgar
- 1924 : les sonates de Beethoven, Kol Nidrei de Bruch, la suite n°1 pour violoncelle seul de J.S. Bach
- 1931 : la sonate n°1 en mi mineur de Brahms et la sonate pour violoncelle de Rachmaninov
- 1933 : la sonate pour violoncelle n°2 de Mendelssohn
- 1934 : la sonate pour violoncelle de Franck.
Le répertoire enregistré comprend un peu plus de trente œuvres couvrant à peu près autant de compositeurs. La biographie d’Henri Gourdin donne les détails du répertoire, de la discographie et une comparaison avec ceux de Casals.
Un livre sur Guilhermina Suggia, entretien avec Henri Gourdin.
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Les violoncelles de Suggia par Henri Gourdin.
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